« Attentes africaines d’une Révision » – R. Kamangala Kamba

« Attentes africaines d’une éventuelle Révision du code de Droit Canonique de 1983 »

par: Robert Kamangala Kamba
Kananga (CGO)


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Introduction

Le droit canonique est un ensemble des normes de définition, de structuration et d’organisation de l’Eglise, ainsi que de planification de l’agir de ses membres, de qualification et de sanction de leur conduite, chacun dans son état stable de vie, en rapport avec les moyens du salut[1].

Dès lors, si la révision du droit universel concerne directement le Code de droit canonique de 1983, ainsi que ses décrets d’exécution, elle comporte, sans conteste, des implications sur le plan du droit particulier. Aussi, dans l’expectative de cette occurrence, cette contribution scientifique entend-elle formuler une dizaine d’attentes africaines,  à cet égard.

[1] Cf. R. KAMANGALA KAMBA, Les normes générales du Code de droit canonique. Concepts, historique et commentaire juridico-pastoral, Kinshasa, Médiaspaul, 2012, p. 11; P. LOMBARDIA, Lezioni di diritto canonico – Diritto costituzionale – Parte generale, Milano, Giuffrè Editore, 1985, pp. 1 et 166.

Les normes juridiques se rapportant à l’Eglise, ainsi qu’à son organisation et à ses activités sont sujettes à des révisions régulières, suite aux situations nouvelles et aux problèmes nouveaux, ainsi qu’aux bouleversements dans les comportements et les modes de penser apportés par le XXIe siècle, afin de correspondre aux exigences d’ordre, de justice et de coexistence pacifique de ses destinataires.

Attentes africaines

En attendant  la révision de la législation de l’Eglise universelle, l’Eglise africaine (congolaise) est taraudée par une dix attentes majeures, à savoir: 1° Une législation reflétant la représentativité des trois états stables de vie de l’Eglise; 2° Une législation expressive d’une sensibilité effective aux identités culturelles; 3° Un renforcement du pouvoir de l’autorité ecclésiastique compétente; 4° Tribalisme et rejet du non-originaire; 5° Efficience du droit canonique, même pour les laïcs; 6° Exigence de l’observation de la préséance; 7° Fuite des cerveaux des Eglises du sud; 8° Un droit sensible aux problèmes et aux exigences actuelle de la mission des Eglises d’Afrique; 9° Un droit qui engage à une activité législative décisive dans les Eglises particulières; 10° Stratégies d’exploitation des nouvelles techniques de l’information et de la communication pour la vie et la mission des Eglises en milieux africains.

1. Une législation reflétant la représentativité des trois états stables de vie de l’Eglise

La législation révisée devra être le reflet des préoccupations réelles et effectives des fidèles de l’Eglise, dans leur représentativité aussi bien continentale, que des trois états stables de vie de l’Eglise (clercs, religieux et laïcs)[2].

[2] P. LOMBARDIA, o.c., p. 63.

2. Une législation expressive d’une sensibilité effective aux identités culturelles

La révision de la législation de l’Eglise devra, ensuite, intégrer l’identité culturelle des destinataires des lois ecclésiastiques, dans les domaines aussi variés que la vie des fidèles (liturgie, coutumes, lois civiles et ecclésiastiques), ou les « tria munera » de l’Eglise.

Dans la vie liturgique, de prime abord, la révision de la législation ecclésiastique devra élaborer des principes généraux, en plus de ce qui est établi dans les rituels liturgiques (cf. cc. 2 et 846)[3], pour aider les Eglises particulières à intégrer leurs symboliques culturels propres:

[3] Cf. P.-M. GY, « Traits fondamentaux du droit liturgique », dans La Maison-Dieu, nn°183/184 (1990), p. 7-22.

1°) dans la célébration de la Parole de Dieu (notamment dans les circonstances critiques de la vie: naissance et rituel africain, initiation africaine et initiation chrétienne des jeunes; fiançailles et mariage, funérailles et obsèques, etc.), 

2°) dans la célébration et l’administration des sacrements:

a) le baptême et rite de purification africaine (cf. cc. 850-851); 

b) le mariage: fiançailles à l’africaine (cf. c. 1062); le versement d’une dot raisonnable; la célébration africaine du mariage (cf. cc. 1108-1117; 1130-1133); la prise à bras le corps des difficultés des divorcés remariés, etc.[4]

[4] Cf. l’Assemblée générale du Synode des Evêques sur la vocation et la mission de la famille dans l’Eglise et dans le monde contemporain, tenue à Rome, du 4 au 25 octobre 2015.

c) la célébration eucharistique (cfcc. 899; 924-930): l’encouragement et la promotion d’un célébrer africain de la messe, ainsi que l’intégration des aliments africains de base, afin que les espèces à consacrer soient réellement « fruit de la terre et du travail des hommes » négro-africains; 

3°) dans la célébration des sacramentaux (cf. cc. 1166-1167): bénédictions, serments, vœux, etc.;

4°) lors de la profession religieuse perpétuelle (cf. cc. 654 et 658). 

On pourrait, d’autre part, se demander aussi si un consentement valide peut être donné et reçu, et surtout encouragé et pris en compte, en cas d’une infection avérée de l’un des conjoints par l’« ébola », le « sida »[5], ou par l’anémie falciforme; en cas de mariage « ratum et consummatum », de violence grave antécédentes, concomitantes et subséquentes à la célébration du mariage ?[6]

La sensibilité africaine devra aussi tirer profit de la révision de la législation ecclésiale, dans le cadre du « munus regendi », pour régler la problématique des communautés sans prêtres (cf. le canon 129§ 2).

À propos des CEVB, de même que l’Eglise a généralisé l’expérience, au départ privée et particulière, des Conférences des Evêques, sa législation ecclésiale ne devrait-elle pas positiver, formaliser et généraliser celle des Communautés ecclésiales de bases (CEVB)[7] pour l’Eglise tout entière, dans le cadre des stratégies de la nouvelle évangélisation?

[5] Cf. D. BAMWENE, «Le mariage et le VIH/SIDA: problèmes canoniques et implications pastorales », Revue Africaine de droit canonique, n°4 (mars 2013), p. 153-168; J. ANDAVO, Mgr, Evêque d’Isiro-Niangara, « Luttes contre le sida en R.D. Congo. Un discernement éthique », dans A. KABASELE Mukenge (dir.), La théologie au service de la société. In memoriam Professeur René De Haes, s.j., Facultés Catholiques de Kinshasa, 2007, 169-181.

[6] Cf. J. NGALULA, « Violences entre hommes et femmes et droit matrimonial », dans Revue Africaine de droit canonique, n°4 (mars 2013), p. 131-139.

[7] Cf. M. MOERSCHBACHER, « L’heure historique des Communautés Ecclésiales de Base de Kinshasa. Quelques réflexions ecclésiologiques », E. KUMBU ki KUMBU – M. MOERSCHBACHER (dir.), L’éducation civique dans les CEVB en R. D. Congo. Contribution à l’émergence d’une société juste et démocratique. Colloque international organisé par la Faculté de Théologie de l’Université Catholique du Congo, l’Institut International de Missiologie/Aachen et le Centre Pastoral Lindonge de Kinshasa, du 21 au 25 avril 2008, Kinshasa, 2013, p. 69-78.

3. Renforcement du pouvoir de l’autorité ecclésiastique compétente

Le « munus regendi » aussi, dans sa triple articulation législative, exécutive et judiciaire[8], comporte des attentes, en matière de définition de la conception du pouvoir de gouvernement (cf. c. 129§ 1)[9], comme diaconie au service du salut des âmes, et de son exercice, selon le droit[10].

Ceci est, cependant, mis à mal dans les Eglises particulières d’Afrique, de nos jours, dans la mesure où l’autorité de l’évêque et des supérieurs religieux butte, à nombre de pierres d’achoppements, à savoir:

1°) l’exacerbation de la liberté individuelle et des droits de la personne, qui poussent à une désobéissance jamais expérimentée avant (cf. c. 1371, 2°);

[8] Cf. Insegnamenti di Giovanni Paolo II, Libreria Editrice Vaticana, vol. I, p. 865.

[9] Cf. J. GAUDEMET, « Pouvoir d’Ordre et pouvoir de juridiction. Quelques repères historiques », dans L’Année canonique, 29 (1985-1986), p. 83-98.

[10] Cf. J. FORNES, « Legalidad y flexibilidad en el exercicio de la potestad eclesiastica », in Ius canonicum, 38/75 (1998), p. 119-150.

2°) la contestation ou la discussion des ordres légitimes des supérieurs; l’intimidation, par la tribu interposée, de l’autorité compétente (cf. c. 1373);

3°) l’indifférence aux sanctions ecclésiastiques encouragée, du reste, par la lenteur ou le rejet, de la part de l’administration romaine, des décisions de l’autorité ecclésiastique compétente, pour vice de forme ou de procédure; la tendance, pour nombre d’ecclésiastiques, à considérer la Nonciature comme le tribunal devant juger l’évêque ou le supérieur religieux, sinon comme une courroie accessible pour la transmission des accusations, diffamations et autres dénonciations calomnieuses au Siège Apostolique;

4°) déficit du sens de l’Eglise, qui pousse à ne pas se considérer  et à agir comme si on n’était pas un membre à part entière de l’Eglise, mais plutôt comme un étranger.

4. Tribalisme et exclusion du non-originaire

Un autre fléau qui mine gravement les Eglises particulières d’Afrique, est le tribalisme, c’est-à-dire l’exagération de l’importance de l’appartenance à une tribu (ou à une région, une province), qui pousse nombre d’ecclésiastiques à ne rechercher, promouvoir et soutenir que ceux de chez-eux. 

5. Efficience du droit canonique, même pour les fidèles laïcs

Une fois promulguée de manière régulière, la loi (ou le droit comme ensemble de lois ou normes juridiques) est efficace, c’est-à-dire oblige ses destinataires, jusqu’à sa cessation par abrogation. D’où, « le droit est efficace par nature. Il impose parce qu’il est le droit »[11].

[11] P. VALDRINI, «À propos de l’efficience en droit canonique », dans L’Année canonique 38 (1995-1996), p. 109.

Or, si les normes juridiques de l’Eglise sont efficaces et efficientes pour les clercs et les religieux, les fidèles laïcs mènent généralement leur vie, comme si elles n’existant pas ou ne leur étaient pas destinées. Cela, dans les domaines, tels que celui de la contraception (cf. 1398), du mariage entre les personnes de même sexe (cf. c. 1055§ 1)[12], de l’indissolubilité du mariage (cf. c. 1056), de l’éducation chrétienne de leurs enfants (cf. cc. 798 et 1366), etc.

[12] Cf. JEAN-PAUL II, Exortation ap. « Familiaris consortio », du 22 novembre 1981, in AAS 74 (1982), 82-191.

6. Exigences de l’observation de la préséance

Bien qu’il n’existe pas de correspondant normatif du canon 106, 1°-6° du CIC/17 dans le Code latin de 1983, les dispositions relatives au droit de préséance[13] n’ont pas cessé, pour autant, d’être observées dans l’Eglise aussi bien universelle, que particulière. Un canon s’y rapportant de manière explicite avait même figuré, un temps, dans les schémas préparatoires, quoiqu’avec de légères modifications[14]. Mais, il n’a pas été reconduit dans le texte définitif promulgué.

Et pourtant, non seulement cette matière d’étiquette ou de protocole demeure d’actualité, mais elle relève, de surcroît, du domaine de ménagement des susceptibilités et de considération pour la dignité des personnes. Bref, elle est une exigence d’ordre, de bienséance et de charité envers les fidèles du Christ.

7. Fuite des cerveaux des Eglises du sud

L’Eglise catholique africaine souffre, de nos jours, de la modicité des effectifs de ses ecclésiastiques œuvrant sur terrain, pendant que le gros de ses clercs et religieux en formation ou non séjourne indéfiniment en Occident et ailleurs, pour des raisons diverses[15].

Il importe d’encadrer juridiquement ces séjours, qui  s’inscrivent, d’ailleurs,  dans le cadre de la coopération sous forme de prêtres « fidei  donum »[16]. Cela sous-entend un accord signé en bonne et due forme entre les deux supérieurs respectifs: celui « a quo » et celui « ad quem »[17]. Cela, pour conjurer l’actuelle pratique de sollicitation d’excardination et d’incardination faciles (cf. c. 268).

[13] Cf. R. BUSUGUTSALA, « Vers un droit canonique africain ? », dans Praxis juridique et religieuse, 4 (1987), p. 46-62; R. KAMANGALA KAMBA, « ‘À quand un droit canonique africain ?’ Non-dit de la question et paramètres d’un droit ecclésial pour les Eglises particulières d’une Afrique plurielle », dans Revue Africaine de droit canonique, vol. 1, n°1 (avril 2007), p. 57.

[14] Cf. in Communicationes 9 (1977), p. 237;  Communicationes 12 (1980);  Communicationes 14 (1982). Voir également J.M. PIÑERO CARRION, La  ley de la Iglesia. Instituciónes canónicas, vol. I. Introduccion general – Libro I: Normas generales – Libro II: El pueblo de Dios, Madrid, Sociedad de Educacion Atenas, 1985, pp. 231-232.

[15] CONGRÉGATION POUR L’ÉVANGÉLISATION DES PEUPLES, Instruction sur l’envoi et la permanence à l’étranger. Normes pour l’envoi aux études après l’ordination sacerdotale, art. 1-7.

[16] PIE XII, Encyclique « Fidei donum », du 27 avril 1957, in AAS 49 (1957), p. 225-248. Voir, à ce sujet, F. POULET, « ‘Fidei donum’: d’une Eglise qui envoie à une Eglise envoyée ».

[17] Voir CONGRÉGATION POUR L’ÉVANGÉLISATION DES PEUPLES, Instruction « De vitanda quorumdam clericorum vagatione », du 25 avril 2001, in AAS 93 (2001), 641-647; DC 98 (2001), 679-682; CONGRÉGATION POUR LES ÉVÊQUES, Directoire sur le ministère pastoral des Evêques « Apostolorum successores », du 22 février 2004, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 2004, n°17.

8. Un droit sensible aux problèmes et aux exigences actuelles de la mission des Eglises d’Afrique

1) Autonomie dans la prise en charge matérielle de l’Eglise

La révision du Code devrait aboutir à des normes incitatives à une indépendance financière et matérielle des Eglises particulières, à travers une acquisition et une gestion licites et morales des biens[18]. « Industria propria », coopération de gestion entre les diocèses voisins, apports étrangers, subventions de l’Etat à travers des accords-cadres, etc., devraient, donc, bénéficier d’une attention particulière dans un Code révisé[19]. Cela, non seulement pour financer la mission de l’Eglise, dans ses agents et ses structures[20], mais également en vue de subvenir aux besoins matériels des clercs et des religieux, ainsi que, dans une certaine mesure, à ceux de leurs familles dans une Afrique de misère[21], où la solidarité africaine constitue un impératif pour un membre de famille, fût-il, et surtout, s’il est prêtre ou religieux.

[18] Cf. F. INGETSHI, « L’administration et l’aliénation des biens. Cas de l’Eglise du Congo-Kinshasa », Ibidem, p. 89-102.

[19] Cf. CONFÉRENCE ÉPISCOPALE NATIONALE DU CONGO, Nouvelle évangélisation et catéchèse dans la perspective de l’Eglise Famille de Dieu en Afrique. Instructions à l’usage des agents de l’évangélisation et de la catéchèse en République Démocratique du Congo, Kinshasa, Ed. du Secrétariat Général de la CENC, 2000, p. 117-141; R. KAMANGALA KAMBA, « Prise en charge matérielle des Eglises particulières de la R.D. Congo par leurs propres fidèles. Approche historico-juridique et perspectives d’avenir », dans Revue Africaine de droit canonique, n°5 (mars 2014), p. 59-87.

[20] Cf. F. MWANAMA GALUMBULULA, « La mise en valeur des patrimoines multisectoriels à des fins d’autofinancement. Une péréquation pour une rémunération juste des agents pastoraux », Ibidem, p. 103-115.

[21] Cf. B. LUTUMBA KOMBA, «  La vie matérielle des clercs. Une question éternellement discutée », Ibidem, p. 117-132.

2) Questions de désertion des fidèles vers les sectes

Il y a cinquante, à la clôture du Concile Vatican II (1962-1965) et même lors de la promulgation du Code de droit canonique de 1983, les Eglises particulières d’Afrique n’étaient pas, comme de nos jours, autant confrontées à l’invasion des sectes[22].

Mais, des normes et des directives édictées au niveau de l’Eglise tout entière conseilleraient des stratégies opportunes face à une préoccupation devenue universelle, et qui s’inscrit bien dans le cadre de l’œcuménisme[23].

[22] R. De HAES, «Les sectes, les nouveaux mouvements religieux et l’avenir du christianisme au XXIe siècle, dans Revue Africaine de Théologie (RAT) 20 (1996), n°40, p. 211-221; « Les sectes chrétiennes face au développement », dans AA. VV., Tradition, spiritualité et développement. Actes de la XIIIe Semaine Philosophique de Kinshasa, du 5 au 11 avril 1992, Kinshasa, F.C.K., 1993, p. 279-284.

[23] Voir le CONSEIL PONT. POUR L’UNITÉ DES CHRÉTIENS, Directoire pour l’application des normes et des principes sur l’œcuménisme « La recherche de l’unité des chrétiens », du 25 mars 1993, 1039-1119 et dans DC 90 (1993), 609-646; l’édition séparée: Cité du Vatican, 1993, 100 p. Voir aussi JEAN-PAUL II, Encyclique « Ut unum sint », du 25 mai 1995, in AAS 87 (1995), 921-982; et dans DC 92 (1995), 567-597.

3) Coexistence pacifique avec les extrémismes islamiques

Le droit de l’Eglise devrait également fixer des conditions de coexistence avec cette grande religion, en prévision de la violence de ses tendances extrémistes, dans le cadre des rapports avec les religions non chrétiennes[24].

4) Pour un engagement sociopolitique ferme et prophétique de l’Eglise

L’Afrique est, de nos jours, placée face aux défis de la démocratie, des exigences d’Etat de droit, de respect et défense des droits et des libertés fondamentaux de l’homme (cf. c. 287§ 2)[25].

Le droit de l’Eglise devrait prendre aussi en ligne de compte l’engagement sociopolitique non seulement de ses fidèles laïcs[26], mais également de ses fidèles religieux et clercs, surtout en contexte africain, où tout silence risque de passer pour de la complicité, pour un péché par omission.

5) Pour de sains rapports de partenariat avec la Communauté internationale

Des multinationales de l’argent et d’autres groupes de pression font la pluie et le bon temps sur le continent africain, surtout autour des ressources naturelles, qu’elles surexploitent, même au mépris de l’écologie ou de l’environnement des pays du sud[27].

L’Eglise ne saurait se limiter aux effets que constituent ces guerres et la pauvreté matérielle, sans pouvoir remonter jusqu’à leurs causes et à leurs promoteurs, s’ils peuvent être identifiés[28]. Un canon-cadre mériterait, pour ce, de figurer dans le Code de droit canonique.

[24] Cf. R. FILAKOTA, « La cohabitation entre chrétiens et musulmans aujourd’hui en Afrique subsaharienne », in AA. VV., Eglise et promotion de la paix en Afrique. Contribution à la deuxième Assemblée Spéciale du Synode des Evêques pour l’Afrique. Actes de la XXVIe Semaine Théologique de Kinshasa (du 15 au 21 février 2009), Université Catholique de Kinshasa, 2014, p. 29-40.

[25] Cf. JEAN-PAUL II, Encyclique « Redemptor hominis », du 4 mars 1979, in AAS 71 (1979), 257-324; et dans DC 76 (1979), 301-323; J.-J. DOBO, « Relation Eglise catholique – Etat congolais: nécessité d’un cadre juridique », dans AA. VV., Eglise, élections et engagement politique en R.D. Congo, in Revue Africaine de Droit canonique, n°3 (Mars 2012), p. 111-128; 

[26] Cf. A. SANGO MUKALAY, « De l’engagement des fidèles dans le changement sociopolitique en R.D. Congo. Analyse des canons 285§ 3 et 225§ 2 », Ibidem, p. 51-62.

[27] Cf. FRANÇOIS, Encyclique « Laudato si », du 18 juin 2015, in AAS 107 (2015).

[28] Cf. H. IWAKA KITAMBALA, « L’Eglise et la défense des droits de l’homme dans l’ordre juridique international. Raisons historiques, anthropologiques, politiques et juridiques », dans AA. VV., Gouvernement, prise en charge et statut de l’Eglise aujourd’hui, in Revue Africaine de Droit canonique, n°5 (Mars 2014), p. 189-202.

9. Un droit qui engage à une activité législative décisive dans les Eglises particulières

En Afrique, dans l’Eglise surtout, l’élaboration des normes de droit et le recours au droit sont souvent épisodiques, par rapport aux conseils, aux exhortations et autres arrangements à l’amiable. Pourtant, la meilleure garantie des droits sont les lois et l’application de celles-ci par voie judiciaire. Et les diocèses d’Afrique accusent aussi un déficit grave de tribunaux ecclésiastiques.

Le droit révisé de l’Eglise devrait, pour ce, engager évêques et conférence des évêques à légiférer régulièrement – par décret généraux –, en vue de l’ordre, de la justice et de la coexistence pacifique entre les fidèles, et entre ceux-ci et ceux qui les gouvernent. 

10Stratégies d’une saine exploitation des nouvelles techniques d’information et de communication pour la vie et la mission des Eglises en milieux africains

La révision de la législation de l’Eglise devra, réglementer ce domaine de nouvelles techniques de communication et de l’information ou engager les Eglises particulières à le réglementer par des normes claires, au bénéfice des familles, des ecclésiastiques et de la foi[29].

Conclusion

Sans manquer à la note fondamentale de catholicité de l’Eglise du Seigneur, les Eglises particulières d’Afrique entendent, bien au contraire, la concrétiser, de manière plus efficace, dans les situations particulières qui sont les leurs. Cela, grâce aux indications et aux pistes normatives précises et actualisées par le législateur universel, en vue de faire face à leurs préoccupations d’ordre, de justice et de coexistence pacifique entre les fidèles, à travers une pluralité d’attentes.

[29] Voir le CONSEIL PONT. DES MOYENS DE COMMUNICATION SOCIALE, Instruction pastorale « Aetatis novae », du 22 février 1992, in AAS 84 (1992), 447-468; et dans DC 89 (1992), 359-367; CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction « Il Concilio Vaticano II » sur certains aspects de l’usage des moyens de communication sociale dans la promotion de la doctrine de la foi, du 30 mars 1992, in Communicationes 24(1992), 18-27; et dans DC 89 (1992), 686-690.

Cependant, une dizaine d’entre elles s’impose à l’esprit de façon impérative, à savoir: parvenir à une législation reflétant la représentativité des trois états stables de vie de l’Eglise; bénéficier d’une législation reflétant une sensibilité effective aux identités culturelles; obtenir des normes susceptibles de renforcer le pouvoir de l’autorité ecclésiastique compétente; disposer des normes répondant aux exigences de l’observation de la préséance; endiguer la fuite des cerveaux des Eglises du sud; avoir un droit sensible aux problèmes et aux exigences actuelles de la mission des Eglises d’Afrique; disposer des normes qui engagent à une activité législative décisive dans les Eglises particulières; élaborer des normes ou des stratégies d’une exploitation des nouvelles techniques d’information et de communication pour la vie et la mission des Eglises en milieux africains.


Auteur

Robert Kamangala Kamba est prêtre de l’Archidiocèse de Kananga (R.D. Congo) et, depuis le 29 septembre 1985, docteur en droit canonique de l’Université Pontificale de Sainte-Croix (Rome, 1993). Après avoir été près d’une décennie professeur au Grand Séminaire Interdiocésain du Kasaï, il est, à partir de 2002, professeur de Normes générales et de théologie du droit canonique à l’Université Catholique du Congo. En plus d’être chargé de publications, il est l’auteur de nombre d’articles et d’un commentaire sur le livre I du Code de droit canonique de 1983 (2012).

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